Mer des Caraïbes : les tambours de guerre résonnent à nouveau

Les eaux tranquilles des Caraïbes, berceau de tant de rêves et de douleurs, frémissent aujourd’hui sous le poids d’une tension ancienne. Ce n’est pas un ouragan qui s’approche, mais une confrontation politique entre Washington et Caracas, entre un empire sûr de sa force et un pays qui refuse de s’agenouiller.
Depuis le déploiement de navires de guerre américains près des côtes vénézuéliennes, officiellement dans le cadre d’une opération antidrogue, le ton a changé. L’air est chargé de soupçons. À Caracas, Nicolás Maduro ne s’y trompe pas : pour lui, ce n’est pas une opération de sécurité, mais une démonstration de force. un message envoyé par Donald Trump, dans un moment où la scène électorale américaine a besoin d’un ennemi, d’un théâtre, d’un drapeau brandi au nom de l’ordre.
Face à ce qu’il considère comme une provocation déguisée, Maduro a répliqué à la manière des chefs d’État qui ont vu l’histoire se répéter trop souvent. Il a appelé son peuple à la mobilisation, déployé ses troupes, organisé des exercices militaires. Le message est clair : le Venezuela, affaibli peut-être, isolé sans doute, mais pas soumis. Il répondra. Il tiendra.
Mais au-delà de la posture et des discours, ce nouvel affrontement réveille une mémoire collective douloureuse. Celle d’un continent où, pendant des décennies, les décisions les plus importantes n’étaient pas prises à Bogota, Buenos Aires ou La Paz, mais à Washington. Les coups d’État téléguidés, les gouvernements destitués, les voix muselées au nom d’une stabilité imposée : tout cela reste gravé dans la conscience des peuples d’Amérique latine.
Aujourd’hui encore, l’ombre de la Guerre froide plane. Comme si le temps n’avait pas passé. L’Amérique latine continue d’être perçue, par certains, comme une arrière-cour stratégique, une zone tampon, un territoire à façonner selon des intérêts étrangers. Et chaque navire de guerre qui s’approche des côtes vénézuéliennes ravive ce souvenir : celui d’une région dont l’histoire a trop souvent été écrite à l’encre des puissants.
Ce qui se joue en mer des Caraïbes n’est pas qu’une question de trafic ou de sécurité. C’est une bataille de récits, une lutte entre deux visions du monde. D’un côté, une puissance qui impose. De l’autre, un pays qui résiste — parfois maladroitement, souvent seul, mais avec la volonté farouche de ne pas se laisser effacer.